Après environ 4h30 de train express et plus de 600km parcourus, nous nous rapprochons de la jeune ville de Shenzhen qui, il y a une trentaine d'années, n'était qu'un village de pêcheurs. Cette dernière a en effet connu un développement économique considérable grâce à l'acquisition de son statut spécial en 1979 permettant aux compagnies étrangères d'y investir. Le train qui nous transporte nous a surpris en bien: sièges confortables, café à bord, voisines sympathiques, tous les ingrédients étaient réunis pour un voyage réussi! Arrivés à la gare de Shenzhen nord, notre première tâche consiste à récupérer nos vélos. Ces derniers devraient en principe se trouver à la gare centrale. Munis de l'adresse en Chinois, nous empruntons un taxi et nous dirigeons vers Luohu. Une fois sur place, c'est emplis de confiance que nous remettons notre coupon de retrait à un homme visiblement stressé. Quelle surprise lorsqu'il ressort du dépôt avec un vélo qui n'est pas le nôtre! Après moultes discussions et téléphones à on-ne-sait-qui, il s'avère que nos "deux roues" ont été envoyés à la gare de Shenzhen est! Le monsieur nous explique (en chinois!) qu'il faut revenir le lendemain à 12h pour récupérer nos précieux sésames. C'est donc la queue entre les jambes que nous repartons prendre nos quartiers au centre ville. Le temps pour nous de se débarbouiller et nous partons déjà à la rencontre de David Héritier, Savièsan expatrié dans cette grande cité. Nous passons la soirée en sa compagnie et celle de sa charmante fiancée Miao (félicitations!). Merci à eux pour l'accueil, les conseils et bonnes adresses! Le lendemain, rebelote, nous nous attelons à retrouver nos vélos. Miao, qui a passé un coup de fil en Chinois le matin même, nous informe que selon la société de transport, les vélos se trouvent en gare est de Shenzhen. C'est là-bas que nous nous présentons avant de rallier Hongkong, objectif de la journée. Nouvelle désillusion, on nous explique que nos fidèles montures ont été envoyées à la gare de Luohu! Sans perdre le nord mais quelque-peu agacés, nous rebroussons chemin au point initial de nos recherches. Finalement, nous poussons un énorme ouf de soulagement lorsque nous voyons apparaître nos vélos de la sortie de l'entrepôt.

L'heure déjà très avancée, nous nous mettons en route pour Hongkong. Il existe un point de passage où piétons et véhicules peuvent passer la frontière, ce qui nous paraît être l'endroit le plus adéquat  pour nous, cyclotouristes. Nous allons vite réaliser que Hongkong n'est pas un état aisé pour les cyclistes. Une fois passé le checkpoint chinois, nous pédalons en direction du pont ralliant Hongkong. A notre surprise, nous croisons un panneau interdisant aux deux-roues motorisés ou non de traverser ce passage au dessus de la rivière Sham Chun. Après une demi-seconde d'hésitation et étant restés aux règles vietnamiennes, nous faisons fi de cette interdiction et nous engageons sur cette pente. Mais voilà qu'après quelques secondes seulement se dessine un poste de garde duquel sortent deux policiers nous faisant signes de nous rabattre sur le côté. Les deux hommes, légèrement empruntés, nous demandent nos passeports. Nous attendrons encore une bonne dizaine de minutes avant de voir débouler une voiture de police, gyrophares allumés. Un gradé, sans doute, s'en extirpe et nous demande de le suivre. Nos minces espoirs de traverser le pont à vélo volent en éclats lorsque l'escorte fait demi-tour sur route. Nous nous retrouvons alors au point de départ, le policier nous montrant le panneau d'interdiction dans un style qu'un gradé de l'armée Suisse ne renierait pas. Le sourire aux lèvres nous jouons la carte de la surprise dans un style qu'un soldat de l'armée Suisse ne renierait pas non plus! Le policier nous dirige ensuite vers un guichet afin d'acheter nos tickets pour un bus navette. Nous y passons moins de deux minutes, le temps d'atteindre le checkpoint Hongkongais de l'autre côté du pont. Une fois le contrôle des passeports et notre laissez-passer en main, nous reprenons le bus navette pour deux minutes supplémentaires.

Étant à une quarantaine de kilomètres (!) de la ville de Hongkong et l'obscurité se faisant de plus en plus présente, nous décidons de prendre le train pour mettre fin à nos peines de la journée. Roue avant à la main, nous sommes autorisés à embarquer. A la sortie, nous nous dirigeons le long de la berge en direction de notre hôtel. C'est alors que se dessine une vue nocturne imprenable sur les buidlings éclairés de la partie insulaire de Hongkong, quel spectacle! Quel spectacle également lorsque nous pénétrons dans la galerie censée nous mener à notre hébergement. Celle-ci se trouve en fait être une sorte de marché vendant tout et n'importe quoi. Le mélange culturel est surprenant: Indiens, Pakistanais, Arabes, Africains, Chinois, tout y passe! Nous nous frayons tant bien que mal un chemin vers l'ascenseur de notre bloc non sans esquiver et refuser de nombreuses sollicitations, chaque personne essayant de nous refiler une chambre, une carte SIM et même du coca ("coke" qu'ils disaient...). Arrivés au 13ème étage du bloc C, nous découvrons alors notre "chambre d'hôtel": il s'agit en fait d'un appartement subdivisé en six chambres dont l'une sert de résidence aux propriétaires pakistanais. Nous nous demandons encore comment il est possible de caser deux lits et une salle de bain dans un si petit espace! A peine installé, Sachie recherche déjà un autre hôtel pour la nuit suivante qui sera notre dernière nuit à quatre. C'est dans un irish pub que nous cassons la croûte et digérons cette journée décidément bien remplie.

Le lendemain, étant des garçons prévoyants, nous nous rendons à la gare centrale de Hongkong dans l'idée d'empaqueter nos vélos, tout cela afin d'être déjà prêts pour les vols du jour suivant. Nous avons lu sur la toile qu'un check-in des bagages 24h à l'avance y serait possible. Il en est, certes, mais aucun moyen d'emballer nos bicyclettes. Ni une ni deux, nous reprenons le train, cette fois ci en direction de l'aéroport. Nous découvrons alors leur service d'emballage qui nous surprend grandement. Pas moyen d'obtenir des cartons de tailles suffisantes ni de papier-bulles pour protéger un minimum le colis. Service vétuste pas vraiment à la hauteur d'un aéroport de cette trempe mais qui reflète encore une fois le manque de considération de cette ville à l'égard des adeptes de la petite Reine. La préposée à l'emballage nous propose un patchwork de 4-5 cartons (cf. photos), proposition que nous nous résoudrons à finalement accepter, n'ayant pas d'autres choix. Ne pouvant enregistrer nos bagages à l'avance à l'aéroport, nous les abandonnons dans une consigne. Mais comme il était écrit que Hongkong mettrait nos nerfs à rude épreuve, on nous dit que les paquets doivent être ouverts car ne passant pas dans le scanner de sécurité! Qu'à cela ne tienne, avec un poil d'énervement et en s'y mettant à quatre, nous lui démontrons le contraire. Débarrassés de ce fardeau, nous passons une dernière soirée en quatuor dans le très animé quartier de Lan Kwai Fong. Et quelle belle nuit ce fût !

Nous voilà le 25 février à la croisée des chemins. En effet, Kake et Sachie reprennent le chemin de notre Suisse natale tandis que Patchi et Patate s'envolent pour Séoul où la prochaine étape de ce périple les attend. Avant de déchirants adieux, il est l'heure d'enregistrer nos bagages à l'aéroport non sans appréhension quant à la réussite de cette dernière tâche (taille et poids des cartons?). Au terminal 1, les passagers pour Zurich s'en sortiront pas si mal grâce aux conseils avisés de François-Yves, un Québécois employé d'Etihad airways. Le paquet de Sachie, dépassant quelque-peu le poids autorisé, est égalisé avec celui de son compère et un brin de malice au moment de la pesée. Au terminal 2, les voyageurs à destination de la Corée du Sud lâchent quelques gouttes de sueur lorsqu'ils apprennent que Hongkong express demande une preuve de sortie du pays, ceux qu'ils n'ont bien sûr pas en leur possession. Mais après une vague estimation du temps qu'ils passeront dans ce pays, ils réservent en ligne le ferry reliant Busan à Fukuoka au Japon; Preuve qui suffira à l'hôtesse de la compagnie. C'est autour d'un dernier café, les yeux humides, la gorge serrée, que de chaleureuses accolades marquent la fin d'un cycle. Notre groupe se scinde en deux mais souvenez-vous, la roue continue à tourner!