Pas encore remis de nos déchirants adieux, voilà que nous touchons déjà le sol coréen. L'annonce du commandant de bord nous glace le sang: "heure d'atterrissage 21h30, température au sol 2 degrés!".  Aucun doute possible, l'hiver nous a bel et bien rattrapé. 1h30 de queue plus tard, nous obtenons enfin notre précieux tampon estampillé Corée du Sud et pouvons récupérer nos vélos qui ont plutôt bien survécus au voyage malgré leur emballage très sommaire. La notoriété de Patate est toujours au beau fixe puisqu'à peine a-t-il remonté sa bicyclette qu'un local l'apostrophe afin d'obtenir un selfie. Ce monsieur nous parle alors d'une piste cyclable reliant Séoul à Busan. Il s'agit en fait de la 4 rivers bike path créée en 2011 sous l'impulsion de l'ancien président Lee Myung-Bak dans le but d'encourager le cyclotourisme dans le pays. Une véritable aubaine pour nous! Nous en prenons bonnes notes et quittons l'aéroport à 1h du matin (!) en quête d'un hôtel dans les environs afin d'y passer la nuit avant d'entrer à proprement dit dans Séoul. Non sans peine nous trouvons une bonne heure plus tard un motel plutôt destiné à la location de chambres à l'heure que pour une nuit... Épuisés, nous ne faisons pas les difficiles et y prenons une "love room".

L'aéroport de Séoul se trouve en fait sur une petite île dans la localité d'Incheon, à une cinquantaine de kilomètres du centre de la mégapole. Le seul moyen pour nous d'en sortir et d'emprunter un train puisque les routes sont toutes interdites aux vélos. Toujours traumatisés par l'emprunt des transports publics d'Hong Kong, nous redoutons quelque peu cette épreuve. Heureusement, la Corée du Sud favorise véritablement l'utilisation des deux-roues non motorisés et c'est très facilement que nous pouvons embarquer à bord de l'Airport Railroad Express en direction de la capitale. Après avoir pris nos quartiers et acheté quelques habits chauds bienvenus, nous partons découvrir cette ville de 25 millions d'habitants (la moitié de la population coréenne!). Premier constat, la circulation routière est moins sauvage en comparaison avec les villes d'Asie du Sud-Est: les règles sont respectées et les coups de klaxon sont rares. Mais il arrive parfois qu'un motard empruntant le trottoir nous rappelle que nous sommes toujours en Asie! Nous retrouvons également encore et toujours les stands de rues et échoppes vendant tantôt de la "street food", tantôt des habits. Autre fait nous réjouissant, la culture très prononcée des Coréens pour la nourriture: les restaurants abondent, les prix sont dérisoires (comptez moins de 5CHF pour un repas), les quantités sont généreuses, les mets sont systématiquement accompagnés de petits plats (Banchan) et cerise sur le gâteau, le café est gratuit!

Le jour suivant, notre programme se compose essentiellement de visites des principaux lieux touristiques de Séoul. Lorsque nous nous dirigeons vers le palais Gyeongbokgung, nous nous faisons surprendre sur la Gwanghwamun square par un défilé d'hommes sortis d'un autre temps. Il s'agit du changement de garde, procession bien orchestrée ravissant les touristes présents. Quelques photos plus tard, nous nous retrouvons devant la majestueuse porte du Palais, lequel fut construit sous la dynastie Joseon fondée en 1392 et qui perdura jusqu'en 1910! Par la suite nous visitons le Bukchon village, fleuri de nombreuses Hanoks, maisons traditionelles coréennes au style architectural séduisant. Nous finissons cette parenthèse culturelle par la découverte d'un deuxième palais, celui de Changdeokgung contenant 13 bâtiments et 28 pavillons sur une surface de 45 hectares.

Ces visites terminées, nous nous rendons à notre hôtel et chemin faisant, nous remarquons une énorme mobilisation des forces de l'ordre. Pensant d'abord à un exercice d'entraînement, nous continuons notre route sans sourciller. Cependant, au fur et à mesure que nous avançons, le son de slogans repris à l'unisson par des milliers de personnes arrivent à nos oreilles. Nous nous retrouvons alors bien malgré nous au beau milieu d'une manifestation. Nous observons alors ce spectacle dans la plus grande incompréhension. Ce n'est que le lendemain que nous apprendrons dans le Korea times que le défilé en question était de nature anti-gouvernementale. Les 13'000 personnes présentes s'opposaient à des réformes du travail et au déploiement du système de défense anti-missile américain en Corée. Dans la soirée, nous prenons de la hauteur pour admirer la ville dans son ensemble. Ainsi, une télécabine nous emmène non pas au ski, mais au pied de la N Seoul Tower, tour radio d'une hauteur de 236 mètres. Du sommet du mont Namsan, nous jouissons d'une vue imprenable sur la capitale du "pays du matin calme".

Le lendemain, au petit matin de ce calme dimanche, nous montons dans le bus qui nous conduira au plus proche de la frontière nord-coréenne. Le trajet dure seulement une quarantaine de minutes et à bord, nous faisons la connaissance de Jay Song, notre sympathique guide pour la demi-journée. Première étape de cette visite, le parc Imjingak dans la ville de Paju. Ce lieu recèle de nombreux monuments en mémoire de la guerre de Corée. On y trouve également le "freedom bridge", pont traversant la rivière Imjin ayant servi au rapatriement de prisonniers de guerre sud-coréens. Le déplacement suivant nous fait traverser un checkpoint militaire. En effet, pour rentrer dans la zone démilitarisée (la "DMZ" qui n'a de démilitarisée que son nom...), il faut montrer patte blanche. Un jeune militaire rentre dans le bus et contrôle rapidement les passeports de tous les passagers. Par la suite, nous arrivons à l'entrée d'un tunnel d'infiltration nord-coréen, le 3ème sur quatre, découvert en 1978. Ces galeries auraient fait partie d'un plan d'invasion à l'encontre de la Corée du Sud et l'on suppose qu'il en existerait une vingtaine. Le régime de Pyongyang a toujours nié les avoir creusés dans un but militaire clamant qu'il s'agit d'une mine de charbon. Il faut savoir que les murs sont composés de granite...Nous visitons ensuite l'observatoire de Dora où des jumelles sont à disposition pour observer le côté nord-coréen de la frontière. Ce jour-là, la visibilité n'est pas optimale, mais nous apercevons tout de même le village de propagande de Kijong-Dong et son drapeau de 160 mètres de haut. Ici, l'ambiance est surréaliste avec d'un côté le régime sans doute le plus fermé au monde et de l'autre nous, au milieu d'autres touristes, de soldats armés et de boutiques souvenirs...Nous finirons ce tour par la visite de la gare de Dorasan, construite pour assurer une liaison ferroviaire avec le Nord. Ce prémice de réunification des deux Corées a été brutalement interrompu en 2008 à la suite de nouvelles tensions entre les deux pays. Elle est maintenant essentiellement employée par les touristes en provenance de Séoul. Sur le trajet du retour, nous faisons halte au Ginseng center, sorte de musée vantant les bienfaits du ginseng. La partie musée est expédiée rapidement par une hôtesse dont le débit de paroles n'a rien à envier à Eminem. Nous nous faisons alors enfermer dans une salle aux allures de foire du Valais, l'hôtesse se transformant en représante pour produits à base de ginseng. Nous nous demandons encore comment ceci est venu s'immiscer dans une visite de la DMZ...

Dans l'après-midi, une surprise de taille nous attend: il neige! Lors de la préparation de ce voyage, nous pensions bien que le temps serait plus hivernal en Corée du Sud, mais à aucun moment, nous nous attendions à voir l'or blanc. Un sentiment partagé nous envahit. Le pincement au coeur que nous avons à la vue de la beauté des paysages blanchis d'une fine pellicule s'oppose à l'appréhension de rouler (glisser?) sur des routes devenues piégeuses. Nous nous rendons au parc olympique et c'est sous la neige que nous visitons ce complexe plutôt bien conservé, théatre des joutes d'été de 1988. Le soir nous finirons par un détour au mémorial de la guerre de Corée. Demain, nous quitterons cette ville qui a su nous séduire par ses nombreux atouts. En route pour le sud!