Nous faisons nos premiers pas au Japon dans la ville de Shimonoseki. Shimonoseki ? Ce n'est pas ce qui était prévu. En effet, quelques ajustements de notre itinéraire ont été fait en cours de route. Mais revenons un jour en arrière pour mieux comprendre ce qui nous a dérouté de Fukuoka...

Chargés de deux gros cartons dans lesquels nous avons soigneusement emballé nos vélos, nous quittons l'hôtel au petit matin en direction du port de Busan. La première difficulté de la journée consiste à faire entrer deux boîtes... et deux cartons de grande taille dans un métro bondé. Tant bien que mal nous parvenons à nous y faufiler, mais alors que selon nos recherches nous devions atteindre le port en 30 minutes, il nous faudra le double du temps. Nous voilà donc pas très en avance pour notre Check In. D'autant plus que l'arrêt auquel nous sortons, pourtant indiqué "port international", se trouve à des dizaines de minutes de marche. À chaque pas, l'espoir d'embarquer à bord du ferry s'estompe un peu plus. Heureusement pour nous, un automobiliste épris de pitié nous embarque et nous conduit jusqu'au port. Nous nous présentons alors au guichet de notre compagnie de ferry où l'hôtesse nous signifie que les vélos ne sont pas acceptés à bord, emballés ou non. Étonnant quand on sait que leur site internet fait mention de la possibilité de transporter des vélos pliables empaquetés, et ceci peu importe la taille du colis. Avec la gentillesse d'une porte de garage, l'hôtesse nous désigne le guichet d'une autre compagnie de ferry qui serait susceptible d'accepter nos bicyclettes. Seul problème, il nous faut patienter 6h de temps avant l'ouverture dudit guichet.

Nous mettons à profit ce temps "gracieusement" offert pour effectuer quelques recherches sur le moyen le plus simple de transporter des vélos au Japon. Nous remarquons alors une destination moins commune répondant au doux nom de Shimonoseki. Cette ville industrielle est située plus au Nord-Est de Fukuoka. C'est une aubaine pour nous qui avons prévu de rejoindre Hiroshima en transport public où nous donnerons nos premiers coups de pédale sur sol nippon. Les trois heures express prévues initialement se transforment cependant en 11 heures de ferry avec une nuit à bord. Nous devons tout de même payer une taxe supplémentaire pour nos vélos (8 CHF) et devons les faire enregistrer dans un bureau situé au fin fond d'un parking. Nous sommes surpris du fait qu'on ne puisse pas les prendre à bord avec nous quand on voit la quantité de cartons que les autres passagers transportent. Après cette journée entière passée dans ce port qui ressemble plus à un aéroport, il est temps pour nous de monter sur notre palace flottant.

Restaurant, salle de jeux, salon avec écrans de télévision, bain d'eau chaude et duty free shop, rien ne manque à bord. Cela dit, l'ensemble reste relativement vétuste et n'a rien d'un véritable paquebot de croisière, sauf peut-être dans les années 80. Étants les seuls occidentaux sur le bateau, nous nous faisons souvent interpeller tantôt pour nous offrir de la nourriture tantôt pour connaître notre histoire. La proximité des couchettes aidant, nous sympathisons avec notre voisin, un Coréen marié à une Japonaise et ayant étudié aux Etats-Unis. Il nous explique le petit manège auquel la plupart des passagers se livrent. En effet, bon nombre d'entre eux font le trajet aller-retour uniquement dans le but de profiter des zones duty free afin d'acheter le maximum d'articles autorisés (voir plus s'ils trouvent un "transporteur"). Après nous avoir secoué toute la nuit, le ferry arrive à bon port.

Nous voilà donc arrivés à Shimonoseki où nous allons encore une fois nous rendre compte que prendre des transports publics avec des bicyclettes est un véritable calvaire. Cette première journée sur le sol de l'Empire du Soleil levant n'a rien à envier à celle de la veille. Nous nous confrontons à nouveau à de multiples complications. Nous essuyons refus après refus dès qu'il s'agit de transporter nos vélos. Les bus, les trains et même la poste, tous considèrent que nos colis sont trop grands pour être pris en charge. De plus, la barrière de la langue n'aidant pas, il s'avère compliqué de trouver une solution pour rallier Hiroshima. Nous pensons alors que la cause est perdue et pour ne rien arranger, le préposé au bureau d'information a appelé la police. C'est l'incompréhension la plus totale pour nous car nous ne comprenons pas ce que nous avons fait de mal. En réalité ce monsieur ne nous veut que du bien et au Japon il semble courant de faire appel aux forces de l'orde à des fins d'assistance. La chance semble avoir tourné puisqu'au même moment une jeune maman parfaitement bilingue nous offre son aide et nous sert d'interprète auprès du duo de gendarmes.

Pendant près de 2 heures nos trois bons samaritains vont se démener et multiplier les coups de fil afin de trouver une issue heureuse à notre problème. Nous assistons à des sortes d'enchères avec les deux policiers aux téléphones s'évertuant à nous trouver la meilleure offre. Finalement nous nous en sortons avec un coût de 120 CHF par vélo. Une bonne affaire quand on sait que notre interprète avait payé 500 CHF pour l'envoi d'un colis de la même taille. L'intervention de la police ne s'arrête pas là car soucieux de notre santé, le duo préfère que nous attendions au chaud la venue du transporteur. Ni une ni deux, c'est à l'intérieur de leur camionnette que nous embarquons pour retourner à notre point de départ: le port. Ils prennent congé de nous, non sans avoir appelé l'hôtel que nous avons réservé à Hiroshima et où les vélos seront livrés le lendemain. Une fois nos colis récupérés par la société de transport, nous nous dirigeons vers la gare pour prendre notre train.

Quatre heures de trajet plus tard, nous voilà arrivés à Hiroshima, ville rendue tristement célèbre un certain 6 août 1945 suite à l'utilisation de la toute première bombe atomique de l'Histoire. Le lendemain, après la réception et le remontage de nos deux-roues, nous partons découvrir les nombreux lieux historiques de cette cité. Nous débutons notre expédition par la visite du parc du Mémorial de la Paix où une ribambelle de monuments prône celle-ci. La dimension historique de notre séjour dans cette ville atteint son apogée avec la découverte du fameux dôme de Genbaku. Situé à quelques 160m du point d'explosion,  cet édifice est l'un des rares bâtiments à avoir résisté à "Little Boy". En raison de sa proximité avec l'hypocentre (ce qui lui a valut d'être balayé par un souffle vertical) ainsi que de sa structure en brique, le dôme de Genbaku est parvenu tant bien que mal à rester debout. Il représente aujourd'hui un symbole de paix et, malgré l'opposition de la Chine et des Etats-Unis, est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Après un détour au château d'Hiroshima, la journée se termine par la visite du Peace Memorial Museum où nous apprendrons encore foison d'éléments sur ce tragique jour qui a marqué un tournant dans l'histoire de l'Humanité.