Vendredi 12 février, 5h30 du matin, heure locale; nous tentons timidement de nous déplier de notre bus de nuit et foulons le sol asphalté de la capitale vietnamienne. Quel calme dans les rues! Du jamais vu en Asie jusqu'à présent... Après avoir reconstitué nos montures, nous roulons dans les rues désertes alors que les premières lueurs du jours pointent tout doucement le bout de leur nez... Un peu cette même impression que, vous savez, lorsque l'on rentre à l'aube d'une grosse soirée et que l'on croise les premiers lève-tôt sur le chemin de leur travail! Nous trouvons rapidement un café ouvrant gentiment ses portes et nous mettons à la recherche d'un lieu où passer nos deux nuits à Hanoï. 

En parlant de nuit, revenons tout d'abord sur cette expérience un peu particulière que représente un bus de nuit! Disons le franchement, nous avons été surpris en bien par la qualité des installations! Les lits-couchettes étaient très confortables, contrairement à ce que les gens semblent relater sur les forums internet. Alors certes, les formats sont plus adaptés aux gens de type "asiatique" qu'à Patate ou Patchi (les couchettes devaient faire 1m70 de long et nous emboîtions difficilement trois paires d'épaules côte à côte), mais on s'attendait véritablement à moins bien que cela! Après deux petites heures de route, nous observions une première halte afin de se restaurer, enfin c'est ce que nous croyions. Pour les locaux, aucun souci, mais en ce qui nous concerne nous avons poireauté une vingtaine de minutes devant ce qui ressemblait à une cantine, mais pas moyen de se faire servir, et ce malgré nos gestes ostentatoires! Heureusement pour nous, nous sommes des gens prévoyants; nous avions avec nous bien assez à manger et à boire. 

Comme c'est parfois le cas dans ce genre de transports en commun, il arrive de croiser des gens quelque peu spéciaux. C'est ainsi que Sachie observa soudainement un jeune homme dont le centre d'intérêt se situait juste en dessous de sa propre ceinture... En effet, allongé dans sa couchette, le bougre semblait être un grand adepte de l'onanisme, et ce de manière visible. Confirmation de cette pratique lors de "l'arrêt-pipi" lorsqu'il a cru bon d'en remettre une couche devant son urinoir, le tout en observant Patchi à côté de lui... Autre pratique étrange: en arrivant dans la banlieue d'Hanoï, l'adjoint du chauffeur nous réveilla abruptement et commença à sortir une dizaine de sortes de paquets noirs dissimulés sous les couchettes des passagers afin de les livrer à un mystérieux bonhomme au milieu de nulle part. Nous préférons honnêtement ne pas savoir de quoi il s'agissait... Bien qu'au touché, Sachie parierait sur des liasses de billets.

Nous revoilà dans notre café à chercher un hôtel; en trouvant un assez rapidement au centre de la vieille-ville, nous y déposons nos affaires et partons en quête de chambres à air, dont le nombre nous fait cruellement défaut. Mais, comme nous en avons pris l'habitude depuis quelques jours, la plupart des boutiques sont fermées, fête du Têt oblige. En désespoir de cause, c'est dans la nourriture que nous trouvons refuge. Comme les températures sont estivales aujourd'hui, nous nous installons sur une jolie terrasse au bord du West-Lake. Une fois l'addition demandée, le serveur vient nous dire qu'un homme veut nous offrir une bière: il s'agit du patron. Évidemment, nous acceptons et l'homme en question s'assoit à notre table. Si l'anglais du serveur est limité, celui du maître des lieux l'est encore plus. Du coup, c'est tablette en main que le serveur joue les traducteurs. Comme le veut la tradition en Valais, nous proposons à notre tour de payer une tournée. L'homme semble refuser et nous tend un billet de 200'000 dôngs à chacun (soit plus que le prix du repas lui-même)! Incrédules, nous prenons ce billet et il nous précise alors qu'il s'agit d'un cadeau de nouvelle année symbolisant la chance qu'il nous souhaite pour les 365 jours à venir! Puis il nous demande si l'on aime le kung-fu... Nous voyant hésitants, il nous précise qu'il souhaite nous inviter à visiter son dojo personnel, ouvert deux semaines plus tôt. Ne comprenant pas tout à fait pourquoi tant de sympathie envers nous, nous décidons, après une petite délibération commune, de nous y rendre. Ni une ni deux, nous voilà en pleine course poursuite dans les rues d'Hanoi, lui en voiture et nous le suivant à vélo. Arrivés sur place, nous sommes en fait chez lui, et nous rencontrons toute la famille Vu! Après une petite démonstration, une chose en entraînant une autre, la petite famille nous demande quels sont nos plans pour la soirées, voulant ainsi nous inviter à nouveau dans leur restaurant afin de partager un énorme repas familial. N'en croyant pas nos oreilles devant tant de générosité, nous acceptons encore une fois.

À 18h, nous rejoignons la famille élargie cette fois-ci, dont la plupart des membres ne semblent pas tout à fait comprendre notre présence. Qu'à cela ne tienne, ils se montrent tous très accueillants. Un buffet impressionnant de différents plats typiques de la région fait alors son apparition sur la grande table, sans parler de la quantité de bières... Nous allons manger comme jamais durant ces vacances! Comme si cela ne suffisait pas, la femme de M. Vu, par l'intermédiaire de son fils Haï qui parle un excellent anglais, nous offre la possibilité de nous véhiculer le lendemain dans la région de Sapa, tout au nord du Vietnam, dans les montagnes. Ce site est très connu pour ces cultures en terrasses, ses paysages escarpés ainsi que la ville de Sapa et ses petites ruelles. Bien qu'alléchés par cette belle proposition, notre timing d'ici Hongkong étant limité et trouvant que nous avions déjà bénéficié d'énormément de générosité, nous déclinons non sans les remercier chaleureusement!

Le samedi matin, nous trouvons enfin des chambres à air, de quoi garantir, normalement, notre trajet jusqu'en Chine. Puis, sur les conseils de la famille Vu, nous partons à la découverte des monuments de cette belle cité: la Flag Tower, le mausolée de Ho Chi Minh, le quartier présidentiel, la vieille citadelle, la statue de Lénine ainsi que les sites naturels que sont les lacs en pleine ville, dont le lac Hoàn Kiêm au centre-ville (signifiant "épée restituée", où vit l'une des quatre dernières tortues d'eau douce à carapace molle, animal au moins centenaire et dont l'apparition à la surface est symbole de chance). Flânant ensuite au centre-ville, nous imaginions trouver quelques combines à acheter... Mais la plupart des échoppes reprennent gentiment vie et semblent mettre en place leur assortiment pour la nouvelle année. Le soir, sur les excellents conseils de Stéphane, un ami vivant à Hanoï mais que nous ne rencontrerons pas (il séjournait malheureusement au centre du pays durant cette période), nous irons souper dans l'un des meilleurs restaurants de la ville tant par son accueil que par sa cuisine (le "New Day" pour les intéressés), puis nous profiterons de notre dernière soirée à Hanoï.

Le lendemain, et toujours dans le souci de gagner un jour dans notre timing serré, nous prendrons un bus pour rejoindre la baie d'Ha Long. À bicyclette, cela nous aurait pris un bon jour et demi. Dans l'optique de faire encore du vélo le long de la côte vers la Chine, nous optons pour le bus. De nombreuses agences, ainsi que notre hôtel, proposent des packs d'une ou plusieurs journées dans la baie. Trouvant les prix complètement exagérés, à juste titre nous le verrons, nous décidons de nous rendre de bonne heure à la gare routière, plus utilisée par les habitants d'Hanoï que par les touristes. À peine arrivés, un homme nous interpelle et nous invite à le suivre pour nous conduire vers Ha Long! Nous rapprochant de son minibus, nous nous demandons comment il compte faire pour y entrer quatre vélos et leur chargement... Pas tant d'histoire pour lui; on bourre un maximum, on démonte quelques roues et selles et le tour est joué. Quelques locaux et un duo d'Australiens perdu (ils se rassurent en nous demandant notre destination), le bus n'est clairement pas plein lorsqu'il démarre... Cela va vite changer! En effet, à chaque arrêt de bus, l'acolyte du chauffeur ouvre la portière et crie ce qui semble être notre destination. Les gens hésitent souvent mais finissent presque toujours par grimper dans le véhicule. Quand bien même il n'y a plus de places libres, les gaillards nous serrent, parfois même à deux par siège... Le but étant de mettre un maximum de gens afin de rentabiliser le parcours, adaptant même ce dernier en fonction des destinations demandées... Rien d'officiel là dedans, preuve en est la tentative d'évitement d'agents de police (le chauffeur faisant alors des aller-retours en attendant que les fonctionnaires disparaissent)... Mais nous arriverons à bon port, en milieu d'après-midi, à une quinzaine de kilomètres de la ville de Ha Long. Et c'est parti pour la découverte de la baie d'Ha Long...